"Dans mon livre à paraître Lettres intimes, la lettre Y est dédiée à Michel Bühler dont je viens d'apprendre avec tristesse le décès. Je pose mon texte ici. Avec mes pensées profondes à son entourage et à tous ceux qui l'ont aimé. Merci Michel!"

Barbara Minder

Y vient de chez moi!

Ou peut-être que je viens plutôt de chez toi.

Une génération nous sépare, une clé de sol nous unit.

On ne se connaît à peine, tu étais à Paris lorsque j'étais gosse, tu es revenu quand je partais.

Dans tes chansons, tu parles de tes parents. Lorsque j'allais à l'école, je les voyais en bas de chez moi. Ton père dans son jardin - «Salut Barbara» avec son accent chantant - ta mère toujours affairée aussi. Il y avait aussi ton oncle marchant de son pas rapide, plus tard au ralenti. Ta tante à l'évier devant la fenêtre. Tous avaient cette lumière dans les yeux que tu as aussi, de bonté mistonne.

Écrire ces lignes, c'est déclarer mon amour pour notre région. Ses sapins, sa vue, son silence, son histoire industrielle, ses énergumènes, dont nous faisons tous les deux partie. Bref, tout ce que tu décris si bien dans tes chansons et tes livres, que tu défends corps et âme dans ton engagement politique. Sans partager tous tes points de vue, j'admire tes coups de gueule, têtu que tu es dans la défense de ce qui te tient à cœur.

Parce que tu défends le terroir. Pas celui labellisé, hygiénisé. Non, celui urchig und bodeständig. Celui de la rugosité des mots, de la précision des gestes acquis au fil des saisons par ces familles de paysans-mécaniciens ayant inventé boîtes à musiques, automates, gramophones, machines à écrire et caméras. Rien que ça.

Tu le défends contre la vulgarité, qui est dictée depuis ailleurs, par des égoïstes qui cherchent indécemment leur propre profit, puissance mille. Saccageant sans remord ce qui nous est cher et ce qui nous a modelé.

Au village, les centenaires reçoivent un sapin. Tu en es bien loin. Mais si tu le...

Un texte inspiré à Barbara Minder au lendemain d'une visite avec Charlotte Schneider chez Catherine Schwab, conservatrice en chef du patrimoine des Collections du Paléolithique et du Mésolithique au Musée d'archéologie nationale à St-Germain-en-Laye (F), dans le cadre de la Résidence Latenium 2022 - Le plus vieux métier du monde.

"En soi, ce n'est qu'un bout d'os avec quelque trous. Bon, il semblerait que c'est un os de vautour. Ça rend déjà moins banal, ça.

À force, l'os s'est minéralisé, fossilisé. Plus de 25'000 ans, ça laisse le temps pour ça. Largement.

Trouvée à Isturitz il y a 100 ans - quelle broutille! - cette flûte est conservée au Musée d'archéologie nationale de France. Dans un bac en plastique, elle repose avec ses consœurs. L'une d'entre elles est encore plus vieille, 5 à 10'000 ans de plus au compteur. Certaines sont mieux emballées que d'autres. En cas d'urgence, les pompiers ont reçu des ordres: deux de ces flûtes doivent être sauvées.

Cette flûte est plus longue que les autres. On voit qu'elle est faite de deux pièces, trouvées indépendamment dans des fouilles. Remises ensemble par un œil acéré. Comme l’œil du rapace qu'elle a constitué.

Nous étions 3 bernoises gauchères réunies autour de ces flûtes. Deux flûtistes et une archéologue, spécialiste du paléolithique et mésolithique. Le quotidien de l'une, l'exception des autres.

J'avais déjà tenu des flûtes historiques dans mes mains. Il y a 30 ans, j'ai soufflé dans une flûte baroque en ivoire ayant, semblerait-il, joué dans l'orchestre de Haendel. Pff, Haendel, quel petit jeunot. Il y a quelques jours, j'ai soufflé dans une flûte en os romaine. J'avais déjà l'impression de prendre mes bottes temporelles de sept lieues.

Petite joueuse! Là c'est plus de 25'000 ans. Plus de 25'000 ans, oui!

Alors, quand j'ai pu prendre cette flûte, si...

Jour 7, c'est voyage et lecture de thèses et articles, notamment autour des flûtes d'Isturitz que nous verrons Jour 8. Une visite à la Galerie C, antenne parisienne de la galerie Neuchâteloise, s'impose. Impressionnants collages monumentaux de Sabine Hertig.

Jour 8, nous partons à St-Germain-en-Laye, au Musée d'archéologie nationale. Nous y découvrons l'impressionnante collection permanente avant d'être reçues par Catherine Schwab, conservatrice en chef du patrimoine des Collections du Paléolithique et du Mésolithique. Nous nous rendons avec elle au laboratoire, où dans une caisse en plastique nous attendent les fameuses flûtes d'Isturitz, flûtes vieilles de plus de 25'000 ans! Nous apprenons beaucoup de Catherine Schwab, qui sait partager sa passion! Après le rendez-vous, nouveau passage dans les collections permanente, avec une perception transformée par les échanges avec la chercheuse.

Le soir, 2 symphonies de Schubert (N° 8 & 9) avec l'Orchestre des Nations, sous la direction de Jordi Savall à la Philharmonie. Le prof de Charlotte, Marc Hantaï, y tient la première flûte.

Aujourd'hui c'était Noël avant l'heure! Avec la complicité de Christian Cevey (responsable du laboratoire de conservation-restauration), Célestine Leuenberger (collaboratrice scientifique) et Corinne Ramseyer (collaboratrice scientifique et chargée d’inventaire) nous avons pu avoir accès à des articles concernant la flûte en os du Moyen-Âge de la collection. Nous avons également eu accès aux deux autres moulages. Et... à la flûte en os romaine originale.

Nous avons pu souffler dans ces différentes flûtes. Pour la flûte du XVème: les 3 copies sonnent très différemment les unes des autres: Reymond Meylan ayant travaillé avec Beat Hug sur ces flûtes dans les années 1980, a mis de la cire pour en faire des flûtes à bec. La cire ayant été mise de manière très variée, il en résulte de grosses différences de son et de hauteur (des extraits sonores suivront!!!).

Tenir la flûte en os romaine originale entre nos mains a été une étape phare de notre résidence. Nous avons remarqué qu'il y avait une fine membrane perforée au milieu de la flûte, elle n'était donc pas jouable ainsi. Nous avons passé au labo où plusieurs hypothèses ont été émises: matière pour exposer la flûte verticalement sur un pic ou relique d'une guêpe solitaire. Il a été décidé d'enlever ceci, nous avons donc pu souffler sans obstacle dans la flûte. Le son? Nous avons hésité entre aspirateur et ancienne bouilloire sur le point de se mettre à bouillir. Un peu décevant, il est vrai. Mais le fait de pouvoir souffler dans de l'os a été nouveau pour nous.

Plus tard nous avons rencontré François-Xavier Chauvière, archéologue revenant tout juste de sa fouille à la grotte de Cotencher. Discussion autour de l'os et de son travail. Nous savions que c'était un tibia de mouton, maintenant nous savons que c'est un tibia de mouton antérieur (patte avant).

Un rendez-vous a également été fixé avec la fille de Raymond Meylan, Charlotte pourra d'ici quelques jours aller visiter la maison où il a habité jusqu'à...